Prise de position du SCI Suisse sur l’affaiblissement du service civil.
Une consultation est actuellement en cours concernant une modification de la loi sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi), qui prévoit de subordonner partiellement le service civil à la protection civile. Ce qui, à première vue, semble inoffensif, se révèle, à y regarder de plus près, potentiellement gênant pour l’accomplissement de tâches importantes de la communauté et donc nuisible pour la société.
Le problème réside dans le fait que la protection civile et le service civil ont des objectifs différents, des tâches en grande partie différentes et sont organisés différemment.
La protection civile est une organisation paramilitaire qui se consacre avant tout à la préparation et à l’instruction des personnes astreintes en cas de futurs « événement majeur, catastrophe, situation d’urgence et conflit armé » (LPPCi, art. 28). Lors de tels événements, il peut effectuer un travail précieux et utile, comme ce fut le cas récemment lors des temps forts de la pandémie. Toutefois, l’ampleur de ces interventions est marginale par rapport au temps passé dans les cours de formation et de répétition.
Le service civil, quant à lui, effectue en permanence des travaux indispensables dans l’intérêt de la société. Il « […] opère dans les domaines où les ressources ne sont pas suffisantes ou sont absentes, pour remplir des tâches importantes de la communauté. […] Quiconque accomplit un service civil fournit un travail d’intérêt public. » (LSC, art.2) En d’autres termes, les civilistes (personnes effectuant un service civil) effectuent chaque jour un travail précieux pour la société.
Le service civil est effectué dans ce que l’on appelle des établissements d’affectation. Il peut s’agir d’hôpitaux, de centres pour handicapés ou pour personnes âgées, d’écoles, de coopératives d’alpage, d’auberges de jeunesse, d’organisations de protection de la nature, etc. Le civiliste choisit son établissement d’affectation en fonction de ses connaissances et de ses aptitudes, de manière à pouvoir fournir un travail optimal. Par exemple, un étudiant en médecine effectuera plutôt des services auxiliaires dans un hôpital, un fils d’agriculteur collaborera plutôt au nettoyage d’un alpage.
Si l’on veut désormais que « la formation et l’affectation dans la protection civile se déroulent en priorité, de sorte qu’une affectation au service civil doive être interrompue si nécessaire » (selon le rapport explicatif), cela signifie tout simplement qu’une prise en charge dans un foyer pour handicapés, par exemple, devra être interrompue afin que le civiliste puisse participer à un cours de formation. Un travail utile et judicieux est ainsi interrompu pour suivre une formation dont le civiliste n’aura peut-être jamais besoin.
La subordination de l’affectation de service civil à la priorité de la protection civile nuit à la possibilité de planifier et à la fiabilité des affectations de service civil dans l’établissement d’affectation, et donc à leur efficacité.
Comme le civiliste doit effectuer exactement 368 jours de service civil, chaque jour passé dans la protection civile est un jour de moins durant lequel « des tâches importantes d’intérêt public » (LSC, art. 2) sont accomplies. Au lieu de priver le service civil de ressources, il faudrait plutôt lui en fournir des supplémentaires, par exemple en permettant aux femmes, aux personnes inaptes au service militaire ou aux étrangères et étrangers établis de travailler à titre bénévole.
Comment en est-on arrivé à cette proposition de modification de la loi ?
Le problème se situe au niveau de la protection civile, pour laquelle des effectifs cibles sont fixés par les cantons. Dans certains cantons, cet effectif théorique n’est pas atteint. C’est pourquoi le projet de loi stipule que « si une organisation de protection civile présente un sous-effectif de personnes astreintes, celui-ci peut être compensé […] par des personnes astreintes au service civil » (LPPCi, art. 36). Le service civil doit donc servir à combler les lacunes, malgré la perte d’un précieux travail d’intérêt public.
Le problème du sous-effectif de la protection civile est pourtant bien réel : contrairement à l’armée (et au service civil), la protection civile est organisée au niveau cantonal. Un soldat de Thurgovie peut sans autre être affecté dans le canton de Vaud, mais pas une personne astreinte de Nidwald dans le canton d’Obwald. Une compensation intercantonale serait ici utile.
Il y a quelques années, la durée de l’obligation de servir dans la protection civile a été réduite de 20 à 14 ans. S’il y a effectivement un sous-effectif, il faudrait d’abord supprimer cette réduction hâtive.
Il est toujours possible de demander à la protection civile d’intervenir également lors de grandes manifestations civiles (p. ex. la Fête fédérale de lutte de Pratteln 2021). Il existe également des capacités dans le secteur privé pour ce type de prestations. Cela n’a pas de sens, surtout lorsque les effectifs sont limités, de faire appel à la protection civile pour cela.
Le SCI Suisse rejette en bloc cette modification de la loi. Elle ne résout pas le prétendu problème du sous-effectif de la protection civile, mais crée une grande incertitude pour les établissements d’affectation du service civil.
Service Civil International (SCI) Suisse
GT Prises de position politiques